Qu’en pense les nouveaux maires ?

Témoignages sur les enjeux de cette rentrée 2020

Florence Legrand

51 ans, Maire de Grayan-et-l'Hôpital (33590)
1370 habitants

Quentin Gesell

27 ans, Maire de Dugny (93440)
10 500 Habitants

Après une élection municipale chamboulée par la crise sanitaire, de nombreuses villes ont vu un nouvel édile prendre ses fonctions cet été. Deux d’entre eux ont accepté de répondre à nos questions et en profitent pour passer quelques messages.

Ils nous expliquent les raisons de leur engagement, nous racontent leur campagne et analysent les enjeux d’une démocratie locale parfois délaissée par nos concitoyens.

Ils ont tous en commun l’amour de leur commune et de ses habitants, et l’intérêt général chevillé au corps. Découvrez-les !

1 - Comment en êtes vous venu à vous intéresser à la vie municipale ?

Florence Legrand, Maire de Grayan-et-l’Hôpital (33) – Je suis originaire de mon village donc je m’intéresse à sa vie depuis toujours. Depuis 2014, je suis engagée dans la vie associative culturelle et patrimoniale et j’ai découvert qu’on pouvait rassembler des personnes qui ne se connaissent pas autour de projets communs. Par ailleurs, mon métier de magistrate à la Cour des comptes, m’a sensibilisée à toutes les politiques publiques qui concernent les communes.

Quentin Gesell, Maire de Dugny (93) – Cela est venu en 2002, à l’âge de 8 ans, à la suite du second tour de l’élection présidentielle qui avait opposé Jacques Chirac à Le Pen. Tout le monde parlait de cette élection, même dans la cours de mon école à Dugny. C’est à ce moment là que je me suis intéressé pour la première fois au mécanisme électoral avant de participer davantage à des évènements municipaux comme les commémorations historiques ou encore les évènements festifs. Puis, j’ai assisté à mon premier conseil municipal à 12 ans et j’y suis revenu régulièrement jusqu’à devenir candidat sur une liste et élu adjoint au maire de Dugny à 20 ans, lors des élections municipales de 2014.

2 – Beaucoup de Maires en France ont décidé de ne pas se représenter pour un nouveau mandat : trop de contraintes et de responsabilités, pas assez de moyens ni de reconnaissance. Pourquoi avez-vous décidé de vous lancer ?

F. Legrand – De nombreuses personnes du village sont venues me chercher pour constituer une liste car les élus en place n’avait jamais eu d’opposition depuis 70 ans et cela avait pour conséquence beaucoup d’immobilisme. Il y avait une grande attente de changement et d’apporter de la vie en mettant en valeur les atouts du village. Comme nous sommes une commune touristique, nous disposons de ressources pour financer nos projets.

Q. Gesell – Lorsque l’on présente sa candidature, on connaît le poids des responsabilités qui peut reposer sur nos épaules en cas de victoire. On s’y prépare tout au long de la campagne électorale. Durant les six dernières années, j’ai appris tout cela. J’ai aussi découvert que le mandat d’élu local est le plus passionnant des mandats, car la moindre petite action peut changer le quotidien d’un ou plusieurs habitants. C’est pourquoi j’ai souhaité aller plus loin dans mon engagement, car je sais que cela peut contribuer à l’amélioration de la vie des habitants.

3 - Le COVID-19 a fortement chamboulé la campagne. Que retenez-vous de cette période ?

F. Legrand – Beaucoup de tristesse et d’inquiétude. La pandémie a perturbé la fin de la campagne car par sécurité nous avons cessé le porte à porte 15 jours avant les élections et nous gardions des distances, ce qui est ahurissant dans le cadre d’une campagne. Une fois élus, nous avons dû attendre deux mois avant d’être installés, tandis que les perdants voyaient leurs pouvoirs renforcés ; c’était anti démocratique ! Cette période a perturbé durablement la vie du pays et surtout créée une fracture entre les Français qui pensent qu’on protège trop et ceux qui pensent qu’on ne le fait pas assez. La vie publique en est perturbée par beaucoup d’agressivité et aussi de l’inquiétude pour tous ceux qui sont victimes de la crise économique.

Q. Gesell – L’événement le plus marquant est d’être arrivé en tête de seulement deux voix d’avance au premier tour le 15 mars, et de se dire dans la nuit qui suivait « Comment on s’organise ? ». À ce moment là, tout le monde se doutait que le deuxième tour serait reporté, mais aucune information officielle n’était encore communiquée. Ensuite, il a forcément fallu s’adapter et revoir sa stratégie, réinventer sa façon de mener ses actions, d’autant plus qu’une campagne de second tour sur plus de trois mois, même confiné, cela peut changer totalement la donne… surtout avec un écart aussi serré que dans ma ville puisque nous étions quatre candidats dans un mouchoir de poche (39 voix d’écart entre le premier et le quatrième).

4 - Quelles sont vos priorités, maintenant que vous êtes aux commandes ?

F.Legrand – Rester à l’écoute et agir ! Nous avons été élus sur la base d’un programme pour faire revivre notre village. Alors malgré tous les obstacles, cela reste notre priorité. Nous sommes en situation de devoir rebâtir entièrement l’administration, c’est la base pour pouvoir construire nos projets. Nous voulons aussi innover pour rester en contact avec tout le monde car les règles de distanciation rendant la vie collective compliquée.

Q.Gesell – La première est évidemment la gestion de la crise sanitaire. C’est un sujet qui est en permanence dans ma tête. Les modifications régulières des différents protocoles sanitaires, les mesures préfectorales à appliquer, l’adaptation des conditions de travail des agents municipaux… Tout cela est au cœur de notre action depuis le conseil d’installation du 3 juillet dernier. Toutefois, la situation ne doit pas nous bloquer sur l’ensemble des projets qui concernent la ville, dont notamment le projet du village des médias des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 qui se situe entièrement sur notre territoire. En parallèle, nous avons aussi fixé la priorité du mandat sur l’enfance et la jeunesse, puisque 48% de la population Dugnysienne a moins de 30 ans.

5 - Vous êtes jeunes ! Seuls 4% des Maires ont moins de 40 ans, ils étaient encore 12% en 1983 selon l’AMF. Comment expliquez-vous ce faible engagement des jeunes ?

F. Legrand – Il est notoire que les jeunes se désintéressent de la vie politique en général. La question est : qu’est-ce qui est fait pour les encourager ? Une première étape serait de les associer très tôt dans la vie municipale ; ce que j’ai fait, j’ai plusieurs colistiers de moins de 40 ans ou jeunes quarantenaires. Nous voulons aussi mettre en place un conseil municipal des jeunes pour sensibiliser à la vie citoyenne.

Q. Gesell – C’est dommage que les jeunes soient souvent exclus des postes clés d’un exécutif municipal. Bien souvent les moins de trente ans se situent surtout sur des positions non éligibles sur les listes. Lorsque l’on a moins de 40 ans, nous avons souvent d’autres priorités : les études, le début de la carrière professionnelle, les débuts d’une vie de famille également… Concilier cela avec un engagement politique – et encore plus avec un mandat de Maire et les responsabilités que cela implique – peut être très difficile à vivre.

6 – Le mot de la fin : un message à adresser aux décideurs politiques ?

F.Legrand – L’exemplarité est la clé pour réhabiliter la fonction politique ; trop de Français se détournent des urnes par écœurement ou découragement et l’absence de participation aux élections est une situation alarmante pour la démocratie. Je leur dirai aussi de soigner de toute urgence la fracture territoriale qui fait que les Français ne se comprennent plus, selon le lieu où ils vivent. Et pour finir, je dirai qu’il est urgent de faire encore davantage de place aux femmes en les encourageant à se mobiliser pour exercer des responsabilités politiques, à tous les niveaux et dans tous les territoires.

Q.Gesell – La participation aux municipales mais aussi aux précédents scrutins doit nous inciter à réinventer notre façon de faire de la politique pour remobiliser nos concitoyens. Cela doit forcément passer par de la concertation et de l’échange. Alors il est nécessaire que nous travaillons encore davantage en ce sens pour retrouver la confiance des habitants envers les décideurs, qu’ils soient locaux ou nationaux.

Si vous souhaitez témoigner des actions menées dans vos collectivités, n’hésitez pas à nous contacter ! (lien formulaire)

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