Former sa majorité collectivement : quels avantages ?

Au fil des années, les missions de proximité que les élus locaux sont amenées à exercer, se sont densifiées et complexifiées. Les élus doivent donc être accompagnés et formés pour faire face aux nombreux enjeux qui pèsent sur leurs épaules. Mickael ALVES, Directeur de cabinet de la ville du Bourget, en Seine-Saint-Denis, nous donne son avis sur le sujet et explique l’intérêt de former les élus collectivement en début de mandat.

En principe, le fait d’être élu n’est pas un métier en soi. Pourquoi les élus ont tout de même besoin de se former ? Quels sont, selon vous, les enjeux de la formation des élus ?

Être élu de la République n’est certes pas un métier. En revanche, la fonction d’élu local est complexe. Elle est confrontée à d’incessantes interrogations dans les nombreux domaines de compétences de la collectivité. Sans pour autant se substituer au travail de l’administration communale, l’élu doit maîtriser les fondamentaux liés à la gestion locale et aux compétences de la collectivité. Exercer un mandat local consiste à servir l’intérêt général et n’est donc pas assimilable à un métier. Toutefois, le rôle et les responsabilités des élus locaux vont croissant depuis la mise en œuvre de la décentralisation et nécessitent donc l’accès à une formation.

La nécessité de former les élus locaux vise donc à leur permettre d’améliorer l’ensemble des services publics dont ils ont la responsabilité, de mettre en œuvre les politiques publiques en maîtrisant l’actualité réglementaire, de mieux maîtriser le fonctionnement institutionnel de la collectivité, de sécuriser leurs décisions dans le cadre de leurs projets et enfin, d’approfondir leurs connaissances et de développer leurs compétences personnelles. Malheureusement, la complexification croissante de la législation oblige les élus à se former. Entre nous, on demande à nos élus locaux, dont la mission première devrait être de gérer les affaires de leurs collectivités, de devenir de véritables techniciens ou de véritables professionnels dans des domaines très complexes.

En tant que Directeur de cabinet, quels avantages voyez-vous à former collectivement les élus en début de mandat ?

Vaste question ! Je dirai qu’il y a un double enjeu. D’abord technique et ensuite démocratique.

Les élus font face aujourd’hui à des responsabilités de plus en plus lourdes, qui requièrent des compétences et des connaissances de plus en plus techniques. La réglementation évoluant sans cesse, ils doivent régulièrement entretenir et actualiser leurs connaissances afin d’être en mesure d’assumer correctement leur mandat.

Ensuite, je considère que l’accès à la formation est un enjeu démocratique fort. Tout citoyen a le droit de se présenter à une élection et donc d’exercer un mandat. Ce libre accès à l’exercice d’un mandat ne peut se substituer à la formation. En effet, sans la formation, cela reviendrait à limiter l’accès de l’exercice d’un mandat aux seuls « professionnels » de la chose publique.

Malgré l’obligation inscrite dans la loi de 1992, près des deux tiers des communes n’ont prévu aucune dépense de formation pour leurs élus en 2018 : comment expliquer ce « désintérêt » relatif ? Des pistes pour y remédier ?

Il ne s’agit pas d’un désintérêt…

Le premier frein à l’effectivité de ce droit à la formation est lié à des raisons purement budgétaires. Les marges de manœuvre sont de plus en plus limitées pour les élus et se former est parfois relégué en dernière position.
On ne peut pas valablement reprocher aux élus de ne pas « se servir » en premier et de privilégier le fléchage de crédits en direction de services destinés à la population.

Un frein ensuite car les élus, et surtout les élus locaux, conservent très souvent leur activité professionnelle et ne sont donc pas très disponibles. Enfin, l’éloignement géographique de certains organismes de formation peut également être un frein à la formation.

Pour améliorer la participation des élus aux formations, il me semblerait opportun que la prise en charge des frais de formation soit assurée par l’Etat au travers d’une dotation aux collectivités avec l’obligation de participer à une série de formations.

Le décret relatif au DIF des élus locaux limite la prise en charge des frais de formation. Ainsi, un coût horaire maximal de 100 euros des frais pédagogiques exposés à l’occasion d’actions de formation susceptibles d’être financées au titre du DIF des élus locaux s’appliquera désormais. On peut regretter que ce plafonnement soit si bas : fixé à 100 euros maximum, ce coût horaire ne serait-il pas une incitation à une formation low cost ? Ou pire, à démontrer que, finalement, la formation des élus locaux n’est pas si cruciale ?

Au moment de l’interview, nous n’étions pas encore informés des réflexions et futures décisions en cours au sein du gouvernement et du cabinet de Jacqueline Gourault. En effet, nous vous informons que le gouvernement souhaite la suppression des 20 heures de DIFE annuels, à remplacer par 500 euros par élu et par an … On peut donc très clairement se demander si le gouvernement considère la formation comme une priorité et une nécessité pour les élus, car c’est une disposition qui pénalisera énormément les petites et moyennes collectivités.

article et webinaire à suivre sur le sujet en février 

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